Je suis passé voir l'exposition "Traces du sacré" au centre Pompidou et si je ne devait en retenir qu'une chose ce serait ce dessin de Victor Hugo : Le Phare des Casquets. Il s'agit d'un petit tableau (90 x 50 cm) d'un paysage marin. Je le contemplais parce que j'étais surpris de voir une œuvre du XIXe siècle dans une exposition que j'imaginais moderne et contemporaine et puis Victor Hugo est de Besançon...
C'est la lumière du phare, sa forme, qui m'a d'abord interpelé : je la voyais mue par une brume nocturne. Il y avait l'atmosphère inquiétante d'une énigme policière. Des choses étaient dissimulées dans cette peinture : je n'avais pas encore remarqué le mât à l'horizon parce que je m'évertuais à comprendre la forme de l'escalier qui grimpe dans l'obscurité vers la lumière. Je m'attendais à voir une tempête, mais les vaguelettes au premier plan indiquaient simplement une mer peu agitée. Les nuages étaient si sombres, la nuit était si épaisse que la lumière du phare ne semblait pas porter bien loin. Et puis ce sont les écueils que j'ai vus. Je les ai devinés à l'entoure. La mer les dissimule : ils sont là mais on ne sait pas où.
J'étais en proie à mes divagations maritimes lorsque je me suis dit que ce que je regardais n'était rien d'autre que de l'encre sur du papier. Hugo n'a pas dessiné le Phare, il l'a écrit. Il l'a écrit avec de l'encre : il a écrit un horizon d'encre, les vaguelettes sont d'encre, il a écrit chaque marche du petit escalier tortueux qui grimpe, il a écrit le mât penché. Il a noircit l'épaisseur de la nuit. Il a laissé les écueils en sous-texte pour qu'on les devine. Il a blanchit la lumière. Tout cela fait un roman dans lequel l'œil circule comme dans un paysage. Et moi, j'en suis devenu le lecteur.
Dans cette exposition, devant ce Phare, je suis devenu autre chose qu'un visiteur dans une exposition : je suis devenu un lecteur de roman. Et le Phare aussi est devenu autre chose qu'un tableau sur un mur puisque c'est devenu mon livre. Avec ceci en plus : devant ce livre-là, devant ce paysage-là, devant ce Phare des Casquets je suis devenu ce que je n'aurait jamais pu devenir dans aucun livre ni devant aucun paysage : je suis devenu comme un bateau échoué qui cherche désespérément une petite lueur pour s'y retrouver.
C'est la lumière du phare, sa forme, qui m'a d'abord interpelé : je la voyais mue par une brume nocturne. Il y avait l'atmosphère inquiétante d'une énigme policière. Des choses étaient dissimulées dans cette peinture : je n'avais pas encore remarqué le mât à l'horizon parce que je m'évertuais à comprendre la forme de l'escalier qui grimpe dans l'obscurité vers la lumière. Je m'attendais à voir une tempête, mais les vaguelettes au premier plan indiquaient simplement une mer peu agitée. Les nuages étaient si sombres, la nuit était si épaisse que la lumière du phare ne semblait pas porter bien loin. Et puis ce sont les écueils que j'ai vus. Je les ai devinés à l'entoure. La mer les dissimule : ils sont là mais on ne sait pas où.
J'étais en proie à mes divagations maritimes lorsque je me suis dit que ce que je regardais n'était rien d'autre que de l'encre sur du papier. Hugo n'a pas dessiné le Phare, il l'a écrit. Il l'a écrit avec de l'encre : il a écrit un horizon d'encre, les vaguelettes sont d'encre, il a écrit chaque marche du petit escalier tortueux qui grimpe, il a écrit le mât penché. Il a noircit l'épaisseur de la nuit. Il a laissé les écueils en sous-texte pour qu'on les devine. Il a blanchit la lumière. Tout cela fait un roman dans lequel l'œil circule comme dans un paysage. Et moi, j'en suis devenu le lecteur.
Dans cette exposition, devant ce Phare, je suis devenu autre chose qu'un visiteur dans une exposition : je suis devenu un lecteur de roman. Et le Phare aussi est devenu autre chose qu'un tableau sur un mur puisque c'est devenu mon livre. Avec ceci en plus : devant ce livre-là, devant ce paysage-là, devant ce Phare des Casquets je suis devenu ce que je n'aurait jamais pu devenir dans aucun livre ni devant aucun paysage : je suis devenu comme un bateau échoué qui cherche désespérément une petite lueur pour s'y retrouver.
