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2008 | Mercredi 4 juin | Sermange, Jura

Il y a quelques temps, si j'avais dû choisir le mot de la langue françai- se que je préférais, j'aurais choisi le mot "mot" sans hésiter. Très longtemps j'ai été fasciné par l'étymologie de ce nom commun : mu qui désigne ce qui ne peut être dit. "Muet" vient de là. De là peut partir toute une réflexion sur le langage ; sur le fait que toute chose dite naît de l'impossibilité justement de dire quelque chose, ou alors que toute chose dite est une chose non-dite, ou encore toute chose dite est dite pour ne rien dire. Et puis un jour j'ai lu espaces blancs de Paul Auster, en particulier ce passage :
    "On a dit, par exemple, que les mots falsifient la chose qu'ils tentent de dire, mais même dire "ils falsifient" c'est admettre que "ils falsifient" est vrai, c'est révéler une foi implicite dans le pouvoir des mots à dire ce qu'ils veulent dire."
Le mot "mot" était devenu trop facile à aimer : ce n'était plus le désert inconnu dans lequel j'errais, c'était un champs cultivé.

Et puis il y eu ce titre d'une pièce de Valère Novarina : "Devant la parole". C'est à dire en même temps contempler la parole comme contempler un paysage et en même temps la devoir, donc avec l'idée que la parole est à la fois dedans et dehors, donnée et reçue. Depuis, à chaque fois que j'aperçois ce titre dans la bibliothèque je me demande ce que moi je peut bien être devant ce livre.

Mais il y en a un qui les surpasse tous pour moi. C'est un mot simple, et lorsque je le prononce ou lorsque je l'entend prononcé, j'ai l'impression que c'est toute l'histoire des Hommes qui m'est contée. Il s'agit de "maintenant". Comme une main qui tient du présent. Ça me fait penser à l'expression prendre la parole. Tenir du temps, prendre des mots, voilà bien la seule quête.